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Concours d’écriture « Racontez-nous votre confinement » Mon confinement

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Mon confinement à moi, ça a commencé quand mon chef m’a dit de prendre mon ordinateur et mes affaires et m’a fait comprendre que nous ne reviendrons pas au bureau le lundi.

Après, ça a été les courses. Les rayons étaient vides. Les conserves disparues. Le papier toilette aussi.

Puis, l’annonce du confinement le mardi à midi.

J’avais préparé mes affaires, des vêtements, des livres, des albums photos à faire, des conserves, du papier toilette.

Aller me confiner chez mes parents à Royan ; rester seule dans une résidence où en temps normal il n’y a pas d’agitation, que du silence, impossible pour moi. Mieux aller retrouver ma famille pour se secourir, veiller l’un sur l’autre, être ensemble.

Départ à six heures du matin pour éviter les forces de l’ordre. La voiture est chargée. La route est longue, longue. Le trajet n’en finit pas. J’ai l’impression de ne pas avancer.

Personne sur la route.

J’arrive. Mes parents sont heureux. Le chat aussi.

Mes parents veulent faire une balade, aller à la déchetterie, aller voir la mer, vivre tout simplement. Pour eux, mon arrivée rime avec vacances. Pour moi, ce temps chez eux s’appelle télétravail. Pour eux, le télétravail, c’est l’amusement, faire comme si on travaille. Pour moi, le télétravail, c’est sérieux. Faire son boulot, ses heures.

Les jours passent dans la crainte. Les décès augmentent. Pour l’instant, toujours dans l’est. On attend la vague à Poitiers dans quinze jours. Après, ça sera notre tour.

Un hôpital militaire est en train de se monter. Les TGV sont réquisitionnés pour amener les malades dans d’autres hôpitaux dans des régions plus calmes.

J’ai peur d’aller faire les courses. Je ne connais pas bien le magasin. Je mets du temps à trouver les produits. Quelques personnes font leurs courses également. On s’évite.

Je vais chercher des légumes dans une sorte de coopérative. La responsable a peur ; s’embrouille. Elle est vêtue d’une sorte de combinaison de cosmonaute. Elle a vraiment peur.

Je vais également au marché ouvert deux jours sur sept. il faut se laver les mains en entrant et en sortant. Ne pas retourner en arrière. Toujours dans le même sens. Tant pis si on a oublié quelque chose.

Je demande aux commerçants leurs cartes pour commander pour les prochaines fois. Juste prendre les paquets. Ne pas rester. Avancer. Se sauver.

Le boulanger est ouvert. Du bon pain. Des gâteaux. Des croissants pour le lendemain matin. C’est bon. Ça rassure.

Les rues sont vides. C’est angoissant cette ville toute blanche sans personne. Des jeunes crient du haut d’un immeuble « Royan réveillez-vous ! »

Les rues sont vides. J’aime bien. C’est joli. L’architecture est mise en valeur.

Les rues sont toujours vides. J’aime de plus en plus. La ville est belle. Je prends des photos.

Le silence est là. Plus de stress. Cette vie de hamster tournant dans sa roue, à travailler, faire les courses, ne pas faire les choses, ne pas avoir le temps de les faire, oublier de les faire, envie de s’allonger, de se reposer, envie de partir loin, prendre des avions pour un week end prolongé. Tout visiter. Cette vie a cessé. On se promène, une heure comme le veulent les autorisations, on profite du paysage, du silence, on rencontre des mémés qui font leur jardin car il fait super beau. On discute. On repart car on a qu’une heure !…

On prend des nouvelles les uns et des autres à Paris, Rouen, Libourne, Strasbourg, Biarritz, dans le Béarn, en Espagne, en Allemagne, en Australie. On se rapproche. Des personnalités de mon enfance meurent. Du coronavirus ou pas. L’enfance se meurt aussi. Une fois de plus !

Mon chat se rapproche aussi. Câlins interminables. Réveil matin à sept heures vingt pour que je ne loupe pas l’heure du travail de huit heures. Il se met sur le tapis sous le bureau. Il ronronne. Il est bien. Plus dur sera le déconfinement. Trop s’habituer aux uns, aux autres. Trop s’aimer sans se le dire.

La grippette est devenue un danger. Boris Johnson, qui n’y croyait pas, est hospitalisé. Il ressort quelques jours plus tard, les cheveux hirsutes avec une tête de poussin qui serait resté coincé dans sa coquille. Il a maigri. Maintenant, il a peur. La Reine d’Angleterre fait un discours. Elle est vêtue de vert. Couleur de l’espoir. Son mari et elle, sont réfugiés au château de Windsor. Son fils, Charles, a le coronavirus. Il est mis en quatorzaine en Ecosse.

Des morts toujours. Toujours. Dans tous les pays.

Tout est mis en place. Les commerçants sont prévenus de mon départ. Ils viendront livrer mes parents. Ma mère fait sa première commande au drive. Elle trouve ça pratique et veut continuer après. Après quoi ? Après le déconfinement !

Je pars. C’est dimanche midi. Personne sur les routes. Un champ aux moutons trop serrés me regarde passer. La mer. Superbe. La campagne. Belle aussi. Des routes désertes. Des ronds-points sans police. Pas d’attestation à montrer. Pas d’amende à payer. Un chat veut traverser. Surpris de voir une voiture. Il traverse. Retraverse dans l’autre sens. J’espère qu’il ne va pas revenir. Je n’aimerais pas écraser un chat. Plus assez de voitures pour lui. Plus de peur, plus de danger. J’arrive dans ma ville. Là aussi, il n’y a personne.

Demain, j’irai faire un tour dans mon heure de liberté ; je prendrai des photos. Ma vie continuera.

Le danger sera-t-il là ?

Florence Cours

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