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Concours d’écriture « Racontez-nous votre confinement » Le virus

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Le virus

À un étudiant qui lui demandait:
– Vous y croyez, vous, à ce virus?

le philosophe répondit:
– C’est une pure invention des chinois. Ce n’est pas vrai, mais dans le doute… j’y crois. Ne serait-ce que pour m’en protéger!

L’étudiant rétorqua:
– Bien, moi je n’y crois pas, mais c’est vrai. Il existe puisqu’il tue.


– Vous pensez donc qu’il vous épargnera?


– Je pense que mon organisme n’est pas programmé pour l’héberger. D’ailleurs, j’ai été testé: je ne suis pas porteur.


Depuis que les gouvernants avaient rendu le dépistage obligatoire sur l’ensemble de la planète, le virus faisait débat.

Les équipes médicales, victimes du diktat de rentabilité plombant toutes les structures hospitalières au monde, et donc en tous points sous-équipées, se limitèrent à informer oralement chaque patient testé des résultats du test. Seules les personnes testées positives furent priées de respecter le plus strict confinement. Y compris les porteurs sans symptômes, bien sûr.


Chacun ignorait donc de l’autre – visiblement en bonne santé- s’il était non contaminé ou porteur sain. Seules les personnes hospitalisées étaient considérées clairement porteuses du virus.


Certaines personnes, en effet, peu enclines à subir les contraintes du confinement, comme l’étudiant ci-dessus, se disaient non porteuses tout en l’étant!


D’autres, par contre, soucieuses de ne pas mettre en danger la santé de leurs proches, déclarèrent en toute loyauté être contaminées et respectèrent les consignes de confinement. Mais très vite, circula sur les réseaux sociaux l’information selon laquelle ces personnes se disaient contaminées pour pouvoir rester chez elles tout en continuant d’être rémunérées…


Bref, un climat de suspicion généralisée contamina la planète entière en même temps que le virus…


– Je ne comprends pas les gens qui pensent que celui qui affirme n’être pas porteur l’est forcément! Par exemple moi, je dis que je ne le suis pas, et ce n’est pas pour ça que je le suis, insista l’étudiant.


– Mais le nier est déjà un indice suspect, renchérit le philosophe.


– Non! Car que fait la personne quand elle a compris que les gens ne croient pas ceux qui disent l’être? Elle dit dans un premier temps qu’elle l’est pour faire croire qu’elle ne l’est pas!


– Diable! Sachez cependant que chaque comportement individuel participe à la construction d’un comportement collectif. Si chacun disait, comme vous, “moi je ne risque rien”, personne ne respecterait le confinement. Et la pandémie balaierait la planète…


– Vous tenez là le discours de la peur. C’est ce type de discours qui a imposé l’idée d’un virus à travers le monde! L’épidémie de la peur…


– Pour ce qui est du vôtre, discours, il a ses limites: toute personne ayant été porteuse du virus n’est nullement à l’abri d’une récidive, puisqu’une première contamination ne garantit pas son immunité. Cette récidive, par sa forme beaucoup plus sévère, sera identifiée par tous en tant que telle. Et la personne suspectée d’avoir menti!


– Pas du tout! Il lui suffira…


L’étudiant fut interrompu par le doyen de la Faculté faisant irruption dans l’amphithéâtre sous le regard incrédule des quelque cent soixante étudiants. Il s’empara du micro et déclara solennellement:


– Pardon pour cette brutale interruption. Je viens d’apprendre le décès du Président des Etats-Unis d’Europe, victime à son tour du virus. Un deuil de trois jours a été décrété à compter de midi pour toute l’Europe. L’université sera fermée pendant la durée du deuil.


Quarante- huit heures avant, le porte-parole de l’exécutif européen avait communiqué un bulletin de santé du Président, le déclarant non contaminé et en parfaite santé…

Pierre Cazenavette

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