Constats
La crise sanitaire que nous connaissons et l’une de ses conséquences, le confinement puis le déconfinement progressif, ont mis en évidence des inégalités de grande ampleur dont souffre notre société. L’une d’elle touche directement les enfants et adolescents d’âge scolaire.
Imaginez-vous devoir partager un téléphone offrant à une famille l’unique accès à internet à travers un forfait limité, afin que les enfants du foyer puissent suivre les fameuses classes virtuelles, le tout se déroulant dans un appartement exigu. Ces conditions rendent impossible tout maintien dans les apprentissages scolaires des enfants et adolescents concernés. Certaines familles l’ont vécu au quotidien ; beaucoup d’autres étaient dans des situations à peine plus enviables.
Les professeurs, les directeurs d’établissement scolaire, ont mesuré d’emblée ce qu’allaient être pour certains élèves les conditions d’apprentissage à distance. Des solutions ont été proposées pour que les cas les plus critiques puissent recevoir des aides spécifiques. Mais tous les problèmes connus n’ont pu être traités.
Même au sein de foyers bénéficiant de conditions plus favorables, où les parents ont tenté de jongler entre leur éventuel télétravail et le suivi de l’éducation de leurs enfants, beaucoup d’élèves durant le confinement ont décroché de l’école, du collège ou dans une moindre mesure du lycée. Parmi eux, beaucoup n’ont encore qu’un accès limité à leur établissement.
L’éducation, « gratuite » et obligatoire dans notre pays constitue une chance unique d’émancipation, y compris pour ceux vivant dans un milieu défavorisé. Il est aussi indispensable à notre société que tous les enfants reçoivent une éducation du meilleur niveau pour que tous s’y intègrent, y participent ; c’est un de ses fondements, une des bases du contrat social qu’elle offre. Les conséquences en matière d’éducation de la crise sanitaire risquent de briser cette chance individuelle. Et dans bien des domaines, la crise met à mal le contrat social.
Ce fait sociétal majeur sera pris en compte par nos gouvernants ; des mesures seront prises pour en atténuer les conséquences immédiates et à plus long terme sur l’éducation. Certaines ont été annoncées notamment pour la période de vacances scolaires qui va bientôt débuter (colonies avec des rattrapages scolaires par exemple).
Mais ne nous leurrons pas, cela ne suffira pas à réparer les dégâts déjà causés. On ne peut pas accepter cela. Il faut agir pour y remédier.
Quelles solutions ?
L’échelle de la commune est adaptée pour apporter le soutien complémentaire nécessaire aux enfants et adolescents qui ont décroché de leurs apprentissages ou sont sur le point de le faire. Cet accompagnement n’a pas vocation à se substituer au rôle et au travail des établissement scolaires et à celui des professeurs. Il vient en soutien et en aide après concertation et dialogue. Un lien pour le suivi des écoliers, collégiens ou lycéens est établi par l’intermédiaire de référents.
Des structures associatives pérennes d’accompagnement scolaire existent à Fontenay. Une association comme l’ASAP (Accompagnement Scolaire Aux Paradis) qui œuvre de longue date à Fontenay par des aides individuelles est parvenue à maintenir en partie ses actions durant le confinement et a même pu accueillir des enfants non-inscrits dans son dispositif (par principe, un engagement à l’année). Cela a pu être réalisé malgré le fait que l’essentiel de son action se déroule dans la Maison de Quartier qui était fermée (voir dans l’encadré le témoignage de Monika Miller, bénévole à l’ASAP, membre de la liste conduite par Gilles Mergy). D’autres structures reprennent seulement leur activité (comme le club pré-ado), n’ayant pas été en mesure de le faire auparavant. D’autres sont encore à l’arrêt pour le moment (soutien scolaire collectif au CCJL). Des associations caritatives ont pu prendre des relais (comme le Secours Catholique).
Au total, il est évident que les bonnes volontés sont présentes, les associations œuvrent avec leurs moyens propres, s’adaptent. De nombreuses personnes se sont déclarées prêtes à participer à cet effort. Mais les circonstances présentes font que les besoins en matière d’accompagnement vont dépasser l’offre des structures existantes.
Actions municipales pour l’accompagnement à la scolarité et la lutte contre le décrochage scolaire
Les actions municipales peuvent être menées pour contribuer, pour aider à organiser l’accompagnement. C’est une affaire de volonté politique et de priorité que de les décider et de les mettre en œuvre.
Pour agir efficacement, il faut d’abord prendre la mesure précise des besoins. Cela doit être réalisé dès à présent. Le savoir-faire des structures existantes à Fontenay constituera une aide précieuse pour cela. L’interaction avec les directeurs des établissements scolaires de la ville est également cruciale pour évaluer les besoins.
Une fois que l’ampleur de ce qu’il faut faire aura été bien mesurée, il faudra agir.
À court terme, il faut pourvoir rattraper le mieux possible ce qui a été perdu en s’appuyant sur les structures existantes, sur leurs méthodes spécifiques d’aide. Des actions seront menées pour organiser la réponse à l’augmentation des besoins (mise à disposition de salles communales par exemple pour proposer des horaires supplémentaires). On bénéficiera ainsi d’une diversité d’approches permettant de s’adapter au plus près des besoins identifiés.
À moyen terme, il faudra assurer le suivi des enfants et adolescents concernés tout au long des deux prochaines années scolaires au moins. Là aussi, les solutions existantes formeront la base de la réponse. La ville agira pour que ces structures puissent accueillir des nouveaux aidants, notamment en mettant à disposition des salles à des horaires permettant aux personnes en activité d’y participer facilement. Par ailleurs, il est indispensable de trouver rapidement des solutions pour fournir aux familles qui n’en disposent pas des moyens informatiques et une formation adaptée permettant d’effectuer un travail scolaire à distance (nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles crises conduisant à des situations critiques que nous avons connues).
Sur le long terme, tout en maintenant les solutions existantes amplifiées pour répondre aux besoins croissants, des propositions nouvelles pourront venir les compléter. Hakim Smail, également membre de la liste conduite par Gilles Mergy, a participé à la mise en place et au suivi de cours de soutien scolaire à Bagneux du primaire à la terminale. L’expérience ambitieuse menée à Bagneux est précieuse car elle fonctionne déjà. On retrouve certains de ses points forts dans des actions existantes à Fontenay, et Fontenay pourra gagner un temps précieux pour son adaptation locale et sa mise en œuvre en profitant du recul et du retour d’expérience.
Le dispositif est monté pour apporter une aide régulière à des élèves en situation de décrochage scolaire ou éprouvant des difficultés dans leur scolarité. En plus de cibler certaines matières-clés selon les paliers, il propose des activités parallèles :
– activités culturelles (sorties cinéma, théâtre, musées, etc.) comme le fait aussi l’ASAP,
– projets internes proposés par les élèves eux-mêmes et validés par les accompagnateurs,
– conférences ou interventions donnant lieu à des échanges, débats et réflexions,
– activités favorisant l’expression orale.
Là, le rythme de deux interventions par semaine à raison de 1h30 à 2h par séance a été retenu. Les intervenants réguliers peuvent être des étudiants de diverses filières mais aussi des retraités. Un lien avec les chefs d’établissements, les professeurs et professeurs principaux est vivement recommandé, notamment pour le suivi d’élèves en grande difficulté (primo-arrivants, difficultés d’expression orale ou écrite, …).
Les besoins d’accompagnement à la scolarité pour lutter contre le décrochage sont plus importants que jamais même s’ils restent à quantifier précisément. L’offre existante à Fontenay pour y répondre est riche et variée. Il faut en amplifier le format et faciliter l’intervention de nouvelles personnes volontaires pour participer à cette réponse. Des solutions complémentaires ambitieuses existant ailleurs pourront la compléter et leur mise en œuvre sera facilitée par la connaissance détaillée que nous en avons.
Une politique communale active, ambitieuse et pragmatique est nécessaire et sera au rendez-vous pour que tous les enfants et adolescents de Fontenay dépassent la crise pour leur bien qui est aussi le bien commun.
Témoignage de Monika Miller
Bénévole à l’ASAP depuis plusieurs années, j’accompagne, entre autres, une petite élève du primaire une heure une fois par semaine à la Maison du Quartier. Suite au confinement, l’ASAP a proposé aux bénévoles de suivre les enfants à distance. Depuis, je suis cette élève presque tous les jours, car en l’absence de cours, de contact direct avec la maîtresse, de possibilité de poser des questions, les devoirs sont difficiles à faire. L’élève et moi communiquons par téléphone et WhatsApp. Cela permet d’envoyer des photos pour expliquer ou de voir et corriger le travail fait par l’élève. Ceci n’est pas toujours facile (problèmes informatiques divers, parfois devoirs non imprimés, manque de concentration avec les frères ou sœurs qui font autre chose en même temps ou la télévision qu’on entend dans le fond) et me laisse sur un sentiment d’insatisfaction.
Je me demande bien comment va être la reprise pour cette enfant et comment elle pourra entamer la nouvelle année scolaire.
Alain LHEMERY