L’émergence du fait communal

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La loi du 5 avril 1884 est considérée comme la constitution communale de la France dont moult de ses dispositions sont aujourd’hui encore en vigueur. Comment en est-on arrivé là ? Suivez nous dans les couloirs du temps, en trois moments clés.

7 septembre 1789. Le député du Tiers Tiers Etat Sieyes lance un appel pathétique à une assemblée constituante inquiète de l’anarchie et de la paralysie administrative  » « Qu’il soit nommé dans la journée un comité de trois personnes pour préparer le plus tôt possible un plan des municipalités. Encore plus rapide que les ordonnances de 2020 pour adapter la démocratie locale au  covid-19… Les élans révolutionnaires des libertés communales sont balayées par le décret du 14 frimaire an II (1793) qui suspend les assemblées élues.

28 pluviôse an VIII (17 février 1800 pour ceux qui dormaient pendant le contrôle continu de l’épreuve qui compte pour le bac). Bonaparte rétablit les municipalités après la tourmente révolutionnaire. Petite précision : les maires sont nommés et soumis à une tutelle des plus étroites par les préfets. En 1831, Louis-Philippe établit l’élection des conseillers municipaux au suffrage censitaire. Le maire est toujours nommé. On n’est jamais trop prudent avec les zélus…

1869 et le programme de Belleville. Concocté par les partisans de Gambetta, ses tonalités sont nettement plus radicales. Elles prônent en effet la liberté communale pour l’exercice des compétences et l’élection des conseillers municipaux au suffrage direct puis celle du maire sans interférence du préfet. Carrément révolutionnaire ! Un an plus tard, la Commune de Paris reprend ses propositions. Mais la sanglante répression des Versaillais contre les Communards va laisser des traces dans l’histoire de la décentralisation : la République naissante, la Troisième du nom, ne veut pas entendre parler pendant dix ans des libertés communales. Elle consent juste à élargir quelque peu les pouvoirs du conseil général dont l’exécutif est… le préfet.

Déposé dans les années 1870, le projet de loi sur les communes s’enlise dans les débats parlementaires. Il va falloir la ténacité de Jules Ferry et Waldeck-Rousseau pour faire aboutir le texte, dont l’article clé claque comme un drapeau : « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». En une phrase, tout est dit, de la simplification à l’efficacité… Et comme a pu le noter Michel Winock, la Troisième République est la vraie sinon la seule dans l’imaginaire des Français qui se dote d’une stratégie de la mémoire.

 

Jean-Luc Bœuf                                                                                                     Ancien DG de région, département et commune

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