Pourquoi la gratuité des transports est une mauvaise piste en Ile-de-France

La gratuité des transports a pu parfois sembler intéressante pour certaines agglomérations de taille moyenne qui en ont fait l’expérience, comme Châteauroux (76 000 habitants à l’intérieur du périmètre de transports urbains) ou Aubagne (105 000 habitants). Pourtant, le taux d’utilisation des autobus y a fortement augmenté et la gratuité n’a pas entraîné de changement écologique probant.

À fortiori, cette pratique ne serait absolument pas adaptée à la région parisienne. Ce serait même, l’exemple type de ce que l’on appelle une « fausse bonne idée ».

Ceci pour trois raisons : elle n’est ni pertinente écologiquement, ni viable économiquement, ni souhaitable pour les utilisateurs dans un réseau déjà saturé.

Un non-sens écologique en IDF.

Dans la mégapole parisienne, tous les modes de transport se côtoient.  On pestera contre les vélos et les trottinettes abandonnés çà et là, mais le problème est solvable. Par contre, si la gratuité des TC avait lieu, ces usagers -ajoutés aux marcheurs, et formant le groupe des « voyageurs non polluants » se reporteraient sur les transports en commun (TC).

Or, ceci nécessiterait à minima plus de bus dans les rues. Au final ce serait un vrai non-sens écologique et en contradiction avec la politique de santé publique (visant plus d’activité physique– en temps normal). L’intérêt évidementserait que les automobilistes délaissent la voiture au profit des TC. Or, actuellement l’IDF ne s’y prête malheureusement pas. En effet, une étude réalisée le 19.07.2018 par TNS Sofrès, a démontré que la gratuité n’intéresserait pas l’automobiliste d’IDF qui préfèrerait dépenser plus pour garder son indépendance, arguant la fiabilité de ses déplacements (on pensera à la ponctualité, la durée du temps de trajet, le confort, etc.). La piste écologique pourrait être à rechercher du côté du covoiturage. Ainsi la gratuité des transports ne serait pas impactant pour la majorité des automobilistes. Il sera toujours temps d’en reparler lorsque l’offre de maillage (dont le Grand Paris Express fait partie) sera en place, et que sa fiabilité sera avérée.

Mais pour l’instant, la gratuité des transports en commun ne serait pas profitable à l’écologie.

Deuxième argument contre la gratuité des TC : qui paierait cette mesure ?

L’instauration de la gratuité supposerait à la commune de payer les frais inhérents à une société de transport- fut-ce t’elle municipalisée. Il semble évident à priori qu’une dépense publique passerait par une hausse des impôts locaux. Sachant que les dotations de l’État aux collectivités locales et les revenus de la fiscalité locale diminuent, alors que les dépenses sociales ne font qu’augmenter. Et que, par ailleurs, le report de l’écotaxe prive les collectivités locales des subventions quel’État avait promises pour la construction de transports collectifs en site propre. On ne peut le démentir : la gratuité des transports est difficilement envisageable financièrementdans le contexte socio-économique et politique actuel.

Troisièmement : quid de l’usager dans tout cela ?

Car les réseaux urbains de la région parisienne sont souvent saturés. Il faut déjà aux équipes techniques de véritables prouesses pour tenir le plan de transport. Imaginez si demain votre bus, tram, métro ou RER venait à doubler sa population ? Impensable vous diront les usagers, et ils auront raison ! Cela détériorerait la prestation , devenus paupérisés, les transports seraient forcément bondés et il faudrait s’armer de patience pour prendre le bus suivant, laisser passer deux ou trois tram ou un métro…comme en temps de perturbation,mais cela serait chronique.  

Non, cette solution est simplement inenvisageable actuellement pour les usagers en IDF !

Alors, il faut puiser dans ce qui existe déjà et se lancer vers d’autres pistes.

Car il existe déjà des mesures sociales de tarification solidairequi garantissent le droit au transport pour les usagers à faibles revenus, la gratuité totale étant réservée dans le cadre d’une démarche de réinsertion sociale (Tarification Solidarité Transport).

Il y a aussi d’autres pistes pour baisser le coût de la vie de nos concitoyens qui prennent les transports en commun. En effet, le coût global de la vie des voyageurs au quotidien peut être réduit par d’autres services en gare –leur évitant d’autres frais et modes de déplacement (colis, courses…). Aussi, par des gains de temps grâce à la rapidité des transports (donc moins de frais de garderie par exemple). Avec les solutions portées par le Grand Paris Express (pour passer d’une banlieue à une autre sans passer par Paris); l’augmentation de la vitesse commerciale des transports urbains de surface (par la création de couloirs réservés aux bus) ; des mesures de priorité des bus et tramways aux carrefours ; la mise en place d’une fiscalité écologique (hausse des taxes sur les carburants automobiles et introduction du péage urbain), et l’affectation de son produit aux modes de transport respectueux de l’environnement, etc.

Il y a des pistes et itinéraires possibles autres que la gratuité des transports, il faut y réfléchir et prendre les bonnes décisions pour le bien être des concitoyens et de notre belle planète.

Mélanie BOISSEAUX –  Doctorante en science politique et écologiste convaincue

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