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Mayotte entre l’attachement à la France et les conséquences dramatiques de la départementalisation

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La dégradation spectaculaire de la situation sécuritaire à Mayotte, les propos scandaleux d’un élu de Mayotte appelant à « aller tuer les délinquants » et enfin le fait d’avoir côtoyé à des nombreuses reprises entre 2012 et 2018 des élus de Mayotte dans le cadre de mes fonctions professionnelles m’incitent pour une fois à écrire un article ne portant pas sur la situation locale.

 Gilles Mergy

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Mayotte est devenue française en 1841. Cinq années plus tard, l’ordonnance royale du 9 décembre 1846 abolit l’esclavage dans cet archipel. C’est l’une des raisons premières qui explique l’attachement très fort à la France pour la très grande majorité des Mahorais.

A plusieurs reprises et notamment à la suite de la proclamation de l’indépendance des Comores en 1975, les habitants de Mayotte ont exprimé leur attachement indéfectible à la République françaises : 99,4% des suffrages exprimés en faveur du maintien au sein de la République lors de la consultation du 8 février 1976.

A la suite de ce référendum, le statut de Mayotte a évolué à plusieurs reprises.

Jusqu’en 2007, Mayotte était une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution.

A partir de 2008, conformément à la loi du 11 juillet 2001, les élus de Mayotte ont demandé une évolution de son statut pour devenir un département et région d’outre-mer, défini à l’article 73 de la Constitution.

Un référendum est alors organisé pour la population mahoraise en mars 2009 sur cette évolution du statut de Mayotte .

À la suite de la majorité de voix correspondant au « oui », la loi organique du 4 août 2009 en tire les conséquences en transformant le statut de collectivité départementale de Mayotte en Département de Mayotte à compter de mars 2011.

Cette départementalisation s’est accompagnée d’un « pacte de départementalisation » qui a permis d’obtenir le versement du RSA (revenu de solidarité active) ou encore l’alignement de certaines prestations sociales.

D’autre part, Mayotte est devenue aussi région ultrapériphérique de l’Union européenne et a bénéficié des avantages de ce statut notamment en matière déblocage de fonds européens sur l’accès à l’eau, l’accès à l’éducation ou la résorption des habitats insalubres.

Si cette départementalisation pouvait alors apparaître légitime et en phase avec les aspirations des habitants, il apparaît en fait qu’elle elle a été mal préparée, mal financée et mal accompagnée. Selon plusieurs experts et élus de l’Ile, elle explique dans une large mesure les difficultés actuelles de l’ile car ce statut de département a créé une sorte d’appel d’air massif en terme d’immigration illégale notamment depuis les autres iles des Comores (qui connaissent un des taux de pauvreté les plus élevés du monde). Cette immigration massive couplée à une croissance démographique naturelle rapide ont fragilisé la société traditionnelle mahoraise et ont rendu particulièrement complexe l’action publique dans ce territoire.

En 2016, la Cour des Comptes avait publié un rapport qui présentait les difficultés de l’Ile et pointait du doigt la manière dont avait été conduite cette départementalisation. Elle aurait nécessité d’être davantage préparée en raison des spécificités de Mayotte par rapport aux autres départements et régions d’outre-mer ; croissance démographique rapide, chômage massif (plus de 35%), registres d’état civil défaillants, manque d’expertise pour prendre en charge les nouvelles compétences « départementales » (RSA, fonds de solidarité pour le logement…), services de l’Etat dépassés et se cantonnant souvent aux seules missions régaliennes et de sécurité publique, manque d’investissement du secteur privé pour créer des emplois…

A plusieurs reprises, j’ai entendu les élus de Mayotte expliquer les difficultés particulières de l’Ile et la nécessité d’y mener un plan de développement économique et social coordonné entre l’Etat, le Département de Mayotte, les communes et le secteur privé. Sous l’égide de la Préfecture de Mayotte, un travail avait été d’ailleurs conduit en 2014 pour élaborer un document stratégique « Mayotte 2025 une ambition pour la République »  articulé  autour de six axes de travail  : le cadre institutionnel, l’éducation, la formation et les politiques d’insertion, le développement du tissu économique, l’amélioration du secteur sanitaire et la cohésion sociale, la politique de l’habitat, la gestion durable des richesses naturelles du département.

Jusqu’en 2018 à ma connaissance et sans aucun doute depuis, les élus de Mayotte sont ensuite venus expliquer à leurs interlocuteurs ministériels la nécessité de mettre en œuvre ce plan d’action stratégique.

Mais en pratique, s’ils étaient écoutés poliment, ils regrettaient de constater que la seule préoccupation de l’Etat portait en fait sur la lutte contre l’immigration illégale (au demeurant indispensable) et la lutte contre la criminalité.

Or, force est de constater que même sur cette priorité régalienne et légitime de l’Etat les résultats ne sont pas non plus au rendez-vous. L’augmentation de la criminalité à Mayotte est spectaculaire avec par exemple une hausse de 16 % des homicides, de 20 % de vols avec armes et de 33 % de vols de véhicules entre 2021 et 2022, selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur.

Cette criminalité n’est par ailleurs pas liée, contrairement aux phénomènes de bandes en métropole, à un “contrôle de territoire ou à une activité criminelle” comme le trafic de drogue, quasi inexistant à Mayotte.

La violence qui mine l’île de Mayotte, dont la moitié des habitants ne possèdent pas la nationalité française selon l’Insee, s’explique essentiellement par la situation sociale et économique explosive des bidonvilles où vivent en clandestinité des migrants comoriens.

C’est sans doute la raison pour laquelle le débat actuel se focalise sur le démantèlement ou pas de ces bidonvilles sauvages.

Mais quelle que soit l’issue judiciaire et au-delà du fait qu’il faudra reloger de manière convenable toutes les personnes dont le « logement » aura été détruit, il est essentiel de redonner espoir aux habitants de l’Ile.

Le plan stratégique de 2014 co-élaboré par l’ensemble des acteurs de l’Ile constitue une bonne base de départ. Il devra être actualisé, affiné et décliné en actions opérationnelles avec des responsables identifiés et des moyens financiers suffisants.

Il devra être accompagné d’un plan de soutien des états riverains par l’Agence Française de développement et la Banque Mondiale afin d’essayer d’enrayer à la source l’émigration massive. Car Mayotte ne pourra se développer qu’à la condition de ne plus être déstabilisé en permanence par l’afflux de nouveaux habitants que les infrastructures sanitaires et sociales de l’Ile ne permettent pas d’absorber.

A chaque fois que les habitants de Mayotte ont eu l’occasion de l’exprimer, ils ont proclamé leur attachement à notre pays ; il est temps que la France se montre digne de cette confiance et construise avec eux l’avenir de ce territoire lointain de la République.

Gilles Mergy

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