Manquer d’art

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C’est en tant qu’artiste fontenaisienne, mais aussi fondatrice et présidente d’une association pour la valorisation des Métiers d’art (association fontenaisienne Singuliers Objets, créée en 2014), en tant que personne engagée et “touche à tout” culturelle que je souhaite exprimer ma perception de la qualité de l’art à Fontenay-aux-Roses et susciter peut-être une réflexion collective sur ce que de véritables actions artistiques pourraient apporter aux habitants – toutes générations confondues.


J’aurai probablement besoin de le faire à travers plusieurs articles, mais commençons ici avec une première question: avez-vous le sentiment, vous aussi Fontenaisiens, de manquer d’art?

L’état des lieux est simple: un bon petit cinéma; un théâtre peu attractif par rapport à ses voisins; une médiathèque très sympathique mais à la programmation sans grain de folie, fermée le dimanche; un festival de musiques annuel dans un auditorium de Conservatoire trop petit; un week-end portes ouvertes d’ateliers d’artistes tous azimuts une fois par an; la Fête de la musique sur les podiums installés ici et là. Et depuis peu, un Festival de danse d’une journée et demi (c’est subjectif mais je dirais: dont l’affiche cette année fait plutôt peur qu’envie), et un annuaire internet dit “Fontenay Ville d’artistes” où l’on peut aller découvrir virtuellement certains artistes présentés – je n’y figure pas personnellement, et je ne suis pas la seule.
Je ne vois rien d’autre, venant de la Municipalité.

Le bilan de M. Vastel mentionne l’acquisition ou l’entretien de sculptures, posées dans des lieux du patrimoine fontenaisien, parcs et places. Les 6 artistes ayant signé ces oeuvres sont tous des hommes, d’une moyenne d’âge disons… plutôt élevée.


Pardon pour cette indélicatesse, mais il faut aussi parler de ces choix et de ce qu’ils reflètent de la vision de l’art de nos élus. Où sont les jeunes artistes prometteurs? Où sont les femmes?

Je pose aussi la question suivante: acheter (ou échanger, ou “négocier” – je cite) et poser une sculpture ou un tableau de Maître dans la ville, est-ce une action artistique en faveur des habitants? C’est une démarche qui reflète aussi une certaine vision de l’art, de sa place dans la ville: un bien muséal, figé, “choisi” par les élus et dont on justifie le prix comme s’il s’agissait d’un aménagement urbain. Ça ne fait pas vraiment rêver…

Aujourd’hui, l’art est beaucoup plus vivant, ancré et en lien avec son époque: expositions collectives, spectacles ou concerts plus spontané(e)s qu’à la Médiathèque, installations ou oeuvres éphémères dans les rues et dans les parcs, art numérique, performances, projets participatifs, sons et lumières, land-art… Même les jardins sont de hauts lieux de création, et ce n’est pas la nouvelle roseraie qui illustre le mieux la créativité artistique paysagère et la poésie végétale, avec notamment ses gros pots en plastique aux couleurs peu subtiles.


Les lieux culturels (et notamment du patrimoine, châteaux et autres cloîtres, etc) font aussi aujourd’hui une place aux artisans d’art professionnels, dont la créativité artistique et le savoir-faire sont reconnus dans le monde entier. Nombreuses sont les villes qui privilégient les expositions-ventes d’objets utiles issus d’ateliers d’art plutôt que les “marchés de Noël” ou autres événements peu qualitatifs. Développer un tel événement n’a pas été possible à Fontenay jusqu’ici.

Il faut regarder ailleurs et prendre la mesure du manque d’inspiration de la Municipalité, et ce depuis de très longues années, en termes d’actions artistiques tournées vers les habitants, pour que ceux-ci, quel que soit leur âge, soient en contact et partagent des expériences sensibles avec les artistes et les artisans d’art. L’art en ville est à défendre au quotidien comme les espaces verts, la sécurité ou les pistes cyclables: refuge indispensable, porteur d’avenir et d’idéal, petit poumon actif… pour l’esprit.

Je reviendrai prochainement sur la nécessité d’un lieu, et/ou d’un investissement.

Delphine Lescuyer 

2 Commentaires

  1. Giraud Michel

    02/11/2019 à 8 h 04 min

    Intéressante réflexion qui rejoint et complète mes réflexions personnelles suite aux Portes Ouvertes des Ateliers d’Artiste fin septembre (voir le blog Osez Fontenay, en date du 1er octobre).
    J’ajouterais que la ville ne manque pas d’associations ou de collectifs (d’artistes, d’artisans d’art, de cinéphiles, de photographes, etc.), parfois concurrents mais souvent complémentaires, qui sont autant de lieux d’où peuvent émerger des idées, pour peu qu’on les sollicite.

    Michel Giraud

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    • Delphine Lescuyer

      02/11/2019 à 12 h 21 min

      Je trouve que les associations et collectifs de Fontenay ne suffisent pas, ne sont d’ailleurs pas d’un extraordinaire dynamisme. Il ne faut pas idéaliser le potentiel des artistes de la petite ville de Fontenay-aux-Roses, je le dis en m’incluant dedans, et en ayant à plusieurs occasions mesuré les limites des actions associatives possibles, et de la qualité de celles-ci. Je ne vois pas de concurrence entre associations, mais je vois parfois un climat de “village” peu propice aux initiatives un tant soit peu ambitieuses ou novatrices, frileux du côté des élus, suspicieux du côté des associations en place. Une politique culturelle volontariste permettrait, je l’espère, de rebattre les cartes et surtout de dynamiser les échanges avec le monde (artistique) extérieur.

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