Accueil Culture / Sport / Vie associative Concours d’écriture « Racontez-nous votre confinement » UNE JOURNÉE DE GUIGNE

Concours d’écriture « Racontez-nous votre confinement » UNE JOURNÉE DE GUIGNE

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Les ombres de la nuit étaient épaisses. Quelques étoiles riaient au front de l’univers et la reine argentée jetait une faible lumière sur la terre. J’allais payer ma participation pour la phase finale d’un concours et il ne me restait qu’une heure de temps. Dans ma main pendait un billet de dix-mille francs CFA que j’avais pu avoir péniblement. Je ne voulais pas rater cette occasion. Il faisait nuit et je devrais coûte que coûte sortir de ma maison pour retrouver un western.

Dans mon empressement, j’avais oublié mon masque à la maison et je pressais le pas comme une diarrhéique. C’était la première fois où j’avais été retenue parmi les finalistes d’un concours de roman. Il fallait payer dix mille francs CFA pour continuer la compétition. Ce jour de malheur était l’échéance du paiement. J’avais eu de la peine avant de rassembler cette somme qui selon ma bourse était ahurissante.

De loin, j’aperçus une agence de dépôt d’argent. Je courus la rejoindre car je voyais déjà le boutiquier en train de fermer son agence. Lorsque je fus plus près de lui, je brandis mon billet et lui dis :

— Bonsoir monsieur, je voudrais faire un dépôt urgemment.

— Madame, il se fait tard, nous ne fonctionnons plus à partir de vingt-deux heures.

— Je vous prie monsieur, aidez-moi. Si je ne paie pas cet argent, j’aurai loupé une grande chance.

— D’accord je le ferai, mais prochainement cela ne serait plus possible.

— J’ai pris bonne note.

Le boutiquier retourna dans sa boutique. Il avait ouvert un tiroir et fit sortir un agenda et un stylo. Il me demanda les coordonnées du récepteur. Je venais à peine de prononcer le premier chiffre quand une armée de policiers entoura toute la boutique. Deux policiers me saisirent et me lançèrent violemment dans leur véhicule. J’étais bleue. Très rapidement, ils firent sortir un papier, griffonnèrent quelques lettres et me remirent le papier. Sur le fameux papier était écrit : “Pour non port de masque pour lutter contre le covid 19… Amende: six-mille francs CFA”

J’ai failli m’évanouir. C’était une journée de guigne. Les policiers mirent à nouveau leur véhicule en marche. Ils me conduisirent à travers toute la ville. À chaque parcelle, ils piochaient toujours une personne en infraction. Mes yeux étaient déjà embués de chaudes larmes. Je regardais les minutes partir en fumée. Je n’avais plus aucune chance de continuer la compétition pour ce prestigieux concours.

Lorsqu’il sonna minuit, le véhicule de la police fut plein. Les policiers nous emmenèrent dans le commissariat où nous fûmes menottés. Dans tout le lot, j’étais la plus jeune. Je n’avais qu’une petite taille. Les autres codétenus pleuraient leur misère. Moi j’étais au moins sûre de ne pas pourrir en prison car j’avais toujours mes dix-mille francs CFA dans la poche de ma jupe.

Pour une première et dernière fois dans ma vie, j’avais passé ma nuit dans un lieu infernal. La nuit était comme une éternité qui s’égrenait très lentement.

Au petit matin, les policiers étaient revenus pour prendre les six mille francs CFA d’amende chez ceux qui en avaient. J’avais payé la colossale somme et j’avais été libérée.

De retour à la maison, je me suis promis de ne plus jamais sortir. Mais j’ai également décidé de participer à plusieurs autres concours pour combler le vide.

 

Mariam Akindele

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