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Concours d’écriture « Racontez-nous votre confinement » Coconfinement

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De la fenêtre de ma chambre, j’ai une vue imprenable sur le palmier des voisins. Une vue insolite dans ce quartier paisible, dont les toitures en tuiles évoquent davantage le Sud Loire que le Sud marocain.

La fin d’après-midi, c’est le moment de la journée que je préfère. Les rayons du soleil déclinant déposent une lumière douce sur les meubles de ma chambre, caressent les tableaux accrochés aux murs en lambris et réchauffent les draps de mon lit. C’est l’heure que je choisis pour méditer.

Je m’installe en tailleur près de la fenêtre, mon champ de vision fixé sur le palmier des voisins. Je ferme les yeux mais je sais qu’il est là, imprimé sur ma rétine, et le voyage intérieur peut alors commencer. Parfois, une bougie allumée accompagne mon esprit dans sa quête de sérénité.

Cet esprit si souvent affolé, balayé par des rafales émotionnelles, emporté tantôt vers des sommets euphoriques, tantôt vers des gouffres de désespoir. Mes joies et mes peines qui dansent le flamenco, affublées d’une robe aux dentelles rouge et noir. Rouge intense, noir abyssal. Un duo explosif, qui me laisse peu de répit.

Ce répit, je l’appelle à chaque rendez-vous dans ma chambre avec vue sur le palmier. Pendant ces précieuses minutes, je ne me bats plus, je ne me juge plus. Je suis juste là, vivante, au rythme de ma respiration. Comme un cœur immense qui bat, de l’intérieur vers l’extérieur : présence du corps, présence au monde.  Dans ma chambre, je me sens alors protégée, en sécurité.

Mais pendant ce temps-là, dehors, que s’est-il passé ? Alerte rouge ! Le monde est maintenant confiné. Que chacun reste chez soi ! Les portes se sont refermées.

Alors moi aussi j’ai refermé la porte de ma maison, je me suis confinée. Et j’ai attendu. Que la peur me submerge, que l’incertitude me tourmente, que l’attente me ronge, que la promiscuité m’étouffe. Rien n’est venu.

Je me suis tancée : « quelle inconsciente, quelle égoïste tu es ! »

Je me suis questionnée : « Entends-tu, vois-tu ce qui arrive ? Es-tu indifférente à la maladie, à la mort, à la solitude ? »

Et puis, j’ai compris. Ce qu’était pour moi le confinement. Salutaire.

Alors, au confinement j’ai exprimé ma gratitude :

Merci, pour mes pensées envahissantes qui enfin se taisent.

Merci, pour mes émotions dévorantes qui enfin s’apaisent.

Merci, pour ce rythme lent qui nous est imposé, mais qui agit comme un remède insoupçonné.    

L’œil du cyclone s’est éloigné. Le quartier du Sud Loire est plus paisible encore.

En fin d’après-midi, je rejoindrai ma chambre et je m’installerai face au palmier. J’allumerai peut-être une bougie et j’entrerai dans cet espace de calme et de douceur : mon coconfinement.

 

Anne-Cécile Adam

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